Artigo de Gérard Leroux sobre a ligação (discreta) entre Cotignac, na França, e Cós, uma ligação mediada pela figura de S. José
A comunicação de Gérard Leroux pode encontrar-se Site international de chercheurs josephains pluridisciplinaires (Sítio internacional de investigadores josefinos pluridisciplinares). Entre outras coisas importantes, este estudo do Prof. Gérard revela que São José poderá, ele mesmo, ter aparecido em Cós em 1661 durante o abaciado de Dona Maria Henriques de Miranda, e que o símbolo $ existente nos cadeirais do Coro das Religiosas poderá definitivamente estar relacionado com o culto de São José e com a Irmandade dos Escravos de São José, criada em 1662 no Mosteiro de Cós.
O texto, redigido em francês, constitui pois mais um valioso contributo científico para o conhecimento da história do nosso Mosteiro. Reproduzimo-lo aqui, para que possa servir de estudo para todos os interessados. A citação do documento poderá fazer-se do seguinte modo:
Gérard Leroux, Un lien discret unit sans doute Cotignac, en France, à Cós, au Portugal. La chronique Josephaine, chronique du 14 juin 2008. Disponível em: http://www.josephologie.info/chronique.php
Un lien discret unit sans doute Cotignac, en France, à Cós, au Portugal
par Gérard Leroux
Je dédie ces quelques pages — en la priant de bien vouloir les accepter —à la communauté des moniales bénédictines de Saint-Joseph du Bessillon, à Cotignac.
L’église de l’ancienne abbaye de moniales cisterciennes de Santa Maria de Cós [1], près d’Alcobaça, au Portugal, abrite en ses murs trois éléments importants liés au culte de saint Joseph. Il s’agit d’une église édifiée au XVIIe siècle, entre 1669 et 1671, et dont la riche décoration (bois dorés, peintures, sculptures, azulejos, ameublement) a été exécutée, pour l’essentiel, entre 1676 et 1715, c’est-à-dire en pleine période baroque. L’édifice n’a pas souffert du terrible tremblement de terre de 1755, si bien qu’il se présente encore à nous, à peu de chose près, sous son aspect d’origine [2].
Le père Maur Cocheril (1914-1982), religieux cistercien, auteur d’un Routier des abbayes cisterciennes du Portugal [3], voit dans l’abbatiale de Cós «un cas unique parmi les abbayes cisterciennes de la péninsule Ibérique; c’est le seul ensemble entièrement décoré que nous connaissons»[4].
Je ne m’intéresserai ici qu’aux trois éléments relatifs à saint Joseph et qui sont les suivants:
Je ne m’intéresserai ici qu’aux trois éléments relatifs à saint Joseph et qui sont les suivants:
1) dans la nef des fidèles (séparée du chœur des moniales par une grille en bois), du côté de l’évangile, un autel latéral, encastré dans le mur, consacré à saint Joseph; son retable en bois doré (talha dourada, en portugais) abritait autrefois, dans la niche centrale, une statue du Saint, et, de chaque côté de la niche, deux peintures évoquant les «mystères» ou «sacrements» (pour parler comme María de Ágreda) de sa vie; cette statue et ces quatre peintures, dont on ne possède malheureusement aucune description précise, ont disparu après la suppression de l’abbaye en 1834;
2) au milieu du magnifique retable en talha ornant l’autel-majeur, dans une loggia centrale (camarim) qui fait penser à la loge royale d’un théâtre, le groupe de la Sainte Famille, que les moniales vénéraient aussi sous l’appellation de Nossa Senhora do Desterro, c’est-à-dire Notre-Dame de l’Exil (ou de la Fuite en Égypte), et encore sous celle de Santos Peregrinos do Egipto (Saints Pèlerins d’Égypte); les trois statues, en bois polychrome et doré, qui composent ce groupe (Marie, l’Enfant-Jésus — lequel tend gentiment les mains à ses parents — et Joseph), sont de grandeur presque naturelle; elles paraissent aller à notre rencontre ; elles datent de la fin du XVIIe siècle et sont touchantes de simplicité et de beauté;
3) enfin, dans le chœur des religieuses (absentes depuis 174 ans !), mis en place vers 1715, sur le dossier de chacune des stalles du rang supérieur, le monogramme $, en marqueterie, qui n’est pas, bien sûr, une référence au dollar (j’ai entendu, une fois, une remarque de ce genre dans la bouche d’un touriste...), mais l’abréviation de São Iosé, car c’est avec un I majuscule que, jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, on écrivait José; ce monogramme est surmonté, sur chacun des dossiers, d’une couronne royale, allusion, non à la suprématie de la monnaie américaine (!), mais à l’éminente dignité du Saint, descendant de David, époux de la Vierge Marie, « Impératrice des Cieux » (ainsi qu’on l’appelait volontiers à l’époque), et père du Roi de Gloire.
C’est sur la base de ces trois vestiges du culte de saint Joseph à Cós que j’aimerais «édifier» la brève communication que voici [5].
On ne sait rien de précis sur les origines du monastère. Le premier document faisant état de l’existence d’une communauté de religieuses date de 1241; c’est une charte de peuplement octroyée à quelques colons par l’abbé d’Alcobaça, dans laquelle il est fait allusion aux maisons «de nos sœurs de Cós». Donc la fondation du monastère est antérieure à cette date.
On ne possède que très peu de documents pour la période médiévale. Ne nous sont connus que les noms de deux abbesses ; en trois cents ans d’existence, c’est vraiment peu ; mais le temps, aidé de l’incurie des hommes, a dévoré la plus grande partie des archives. Tout change au début du XVIe siècle. À cette époque, l’abbé d’Alcobaça — dont dépend Cós — entreprend de donner au monastère la forme régulière qui lui a toujours manqué (il avait jusque-là l’aspect d’un pâté de maisons entouré d’une haie de verdure : « un édifice tout à fait rustique, pas du tout monastique », écrit un visiteur en 1532).
Dom Jorge de Melo — c’est le nom de cet abbé — commence par la chapelle, qui est reconstruite dans le style manuélin (du nom du roi Dom Manuel Ier, alors régnant). Son successeur, qui n’est autre que le fils du roi, le cardinal Dom Afonso, construit un grand dortoir. Mais il a beau limiter le nombre des moniales à 20, les candidates ne cessent d’affluer. En 1530, une jeune abbesse est nommée, Dona Benta de Aguiar, qui n’a que vingt-sept ans, et qui va gouverner la communauté pendant près d’un demi-siècle, laissant une réputation de sainteté. A l’image de leur supérieure, les moniales de Cós sont très pieuses, très observantes (une renommée qu’elles garderont jusqu’à la fin). Leur nombre augmente imparablement 40 en 1532, 80 en 1628, plus de 100 en 1674 [6]... En sorte que, au milieu du XVIIe siècle, elles commencent à étouffer dans leurs bâtiments trop étroits.
En 1661, l’abbesse Dona Maria Henriques de Miranda, élue l’année précédente pour trois ans (le régime abbatial est désormais triennal dans les vingt-cinq monastères de la Congrégation d’Alcobaça), entreprend de tout reconstruire. Elle commence par un nouveau dortoir. Elle a toutefois un gros problème : les caisses du monastère sont vides... Qu’à cela ne tienne ! Elle s’en remet à la Providence, convoque les maçons... Ici, je cède la parole à frei Manuel de Figueiredo, chroniqueur officiel de la Congrégation à la fin du XVIIIe siècle, qui nous a laissé une description des édifices conventuels en1780:
«Selon la tradition des religieuses anciennes qui la rapportent, alors qu’on commençait les travaux sans avoir de quoi les poursuivre et les mener à bien, apparut aux maçons un homme âgé, vénérable et inconnu, qui leur donna de bonnes indications pour effectuer les travaux avec moins de dépenses et d’efforts; et aussitôt affluèrent des dons matériels de personnes que l’on n’attendait pas... [7].»
Il est hors de doute que les religieuses, lorsqu’elles furent informées, par les maçons, de cette visite inattendue, reconnurent aussitôt dans le personnage en question saint Joseph lui-même. Frei Manuel de Figueiredo ne le dit pas explicitement, mais il le laisse néanmoins clairement entendre. Du reste, pour lui marquer leur reconnaissance — c’est encore Figueiredo qui nous l’apprend —, elles firent placer une statue du Saint (aujourd’hui disparue) à un angle de leur nouveau dortoir avec, au-dessous, une plaque où l’on pouvait lire l’inscription suivante: Ob hujus operis magisterium. 1661, autrement dit: «Pour la direction de cet ouvrage. 1661». Notons ici que l’abbesse Dona Maria Henriques de Miranda avait été élue le 8 février 1660, et que l’apparition de saint Joseph au berger Gaspard Ricard, au pied du Mont-Bessillon, près de Cotignac, eut lieu le 7 juin de la même année.
Dona Maria avait-elle entendu parler de cet événement, qui eut un si grand retentissement, non seulement en France, mais dans toute l’Europe ? Cela l’encouragea-t-elle à «tenter l’impossible»? C’est fort probable. L’abbé d’Alcobaça qui avait présidé son élection l’année précédente était alors frei Vivardo de Vasconcelos (c. 1603-1681), un religieux hors du commun, aux tendances mystiques affirmées, qui avait lui-même fondé à Lisbonne, en 1654, dans des circonstances assez insolites, un monastère de cisterciennes récollettes placé sous le patronage de Nossa Senhora da Nazaré (Notre-Dame de Nazareth), fondation dont il nous a laissé un passionnant récit que je compte publier un jour. D’autre part, les moines d’Alcobaça lisaient les gazettes, échangeaient du courrier avec leurs confrères de France (même s’ils en étaient juridiquement séparés depuis 1567), recevaient la visite de voyageurs, de diplomates, d’officiers français... À cette époque, ne l’oublions pas, le Portugal, soutenu par la France, est en guerre avec l’Espagne, une guerre très onéreuse, qui dure depuis près de vingt ans, sur terre et sur mer, et qui absorbe le plus gros des ressources de la nation. La Congrégation d’Alcobaça, sans cesse sollicitée, participe largement à l’effort de guerre. Où trouver, dans ces conditions, de l’argent pour construire? Entreprendre de réédifier un monastère à ce moment-là n’est pas seulement inopportun, c’est tout simplement une folie...
Dona Maria avait-elle entendu parler de cet événement, qui eut un si grand retentissement, non seulement en France, mais dans toute l’Europe ? Cela l’encouragea-t-elle à «tenter l’impossible»? C’est fort probable. L’abbé d’Alcobaça qui avait présidé son élection l’année précédente était alors frei Vivardo de Vasconcelos (c. 1603-1681), un religieux hors du commun, aux tendances mystiques affirmées, qui avait lui-même fondé à Lisbonne, en 1654, dans des circonstances assez insolites, un monastère de cisterciennes récollettes placé sous le patronage de Nossa Senhora da Nazaré (Notre-Dame de Nazareth), fondation dont il nous a laissé un passionnant récit que je compte publier un jour. D’autre part, les moines d’Alcobaça lisaient les gazettes, échangeaient du courrier avec leurs confrères de France (même s’ils en étaient juridiquement séparés depuis 1567), recevaient la visite de voyageurs, de diplomates, d’officiers français... À cette époque, ne l’oublions pas, le Portugal, soutenu par la France, est en guerre avec l’Espagne, une guerre très onéreuse, qui dure depuis près de vingt ans, sur terre et sur mer, et qui absorbe le plus gros des ressources de la nation. La Congrégation d’Alcobaça, sans cesse sollicitée, participe largement à l’effort de guerre. Où trouver, dans ces conditions, de l’argent pour construire? Entreprendre de réédifier un monastère à ce moment-là n’est pas seulement inopportun, c’est tout simplement une folie...
Combien de fois l’abbesse, derrière la grille de son parloir, n’aura-t-elle pas entendu des propos de ce genre?... Qu’importe ! Sans doute encouragée par frei Vivardo, devenu, entre tant, premier définiteur de la Congrégation, elle se lance... Et saint Joseph vient à sa rencontre! Pour le remercier, Dona Maria Henriques ne se contente pas de faire apposer une statue et un ex-voto sur un coin du dortoir. Elle fait plus (et, là encore, la quasi concomitance de l’apparition de Cotignac et de celle de Cós est assez singulière) : le 19 mars 1661, Louis XIV avait consacré le royaume de France à saint Joseph ; eh bien, l’année suivante, est érigée, dans le monastère de Cós, une Confrérie des Esclaves de Saint Joseph (Irmandade dos Escravos de São José), la première du genre dans la Congrégation d’Alcobaça, que le pape Alexandre VII enrichit de diverses indulgences [8].
Ce fait, que j’ignorais, m’a été révélé, il y a une vingtaine d’années, par la découverte inopinée d’un ouvrage consacré à saint Joseph, publié à Lisbonne en 1761 par le père João Baptista de Castro — Vida do Glorioso Patriarcha S. Joseph —, ouvrage que je n’ai jamais vu mentionné par les commentateurs ou par les historiens, mais qui constitue, vérification faite, le premier traité de joséphologie publié au Portugal. Certes, d’autres auteurs portugais avaient parlé avant lui de saint Joseph (comme, par exemple, le fameux jésuite Sebastião Barradas [1543-1615], insigne exégète, auteur de commentaires souvent cités sur le Nouveau Testament, ou frei Crisóstomo da Visitação [15..-1604], moine d’Alcobaça, procureur de la Congrégation à Rome, qui publia de remarquables méditations sur la Vierge Marie: De Verbis Dominae, Venise, 1600), mais ce n’était jamais qu’en passant [9]. João Baptista de Castro (1700-1775), lui, est vraiment le premier «joséphologue» portugais; il aborde de façon méthodique, systématique, et avec une prodigieuse érudition, tous les aspects de la théologie et de l’historiographie relatifs à saint Joseph; il est aussi l’auteur d’une Vie de Jésus-Christ (Vida de Jesus Christo Senhor Nosso) qui connut un grand succès [10].
Par parenthèse, on ne peut qu’être frappé, quand on lit cet ancien élève des oratoriens et des jésuites, par la beauté de son style, par l’élégance et la douceur de son phrasé, précis, limpide, impeccable, où coule le suc de l’école portugaise de spiritualité, dont il est l’un des représentants [11]. Cela n’est pas étonnant quand on sait que le père João Baptista de Castro, qu’un de ses contemporains décrit comme «l’homme le plus modeste et le plus érudit de la Capitale [12]», est également l’auteur d’un Miroir de l’éloquence portugaise (Espelho da eloquencia portugueza), paru à Lisbonne en 1734...
Je compte publier prochainement une analyse de sa Vie de saint Joseph, avec un index des auteurs cités (Pères de l’Église, théologiens, mystiques), où il défend, bien sûr, l’assomption de saint Joseph, c’est pourquoi je n’en dis pas plus ici.
La Confrérie des Esclaves de Saint-Joseph, érigée à Cós en 1662, se réunissait près de l’autel du Saint, dans l’église abbatiale. Elle y célébrait quatre fêtes: la première, celle de saint Joseph, le 19 mars; la seconde, le 23 janvier (Desposórios, Épousailles de saint Joseph); la troisième, le 29 septembre (Desvelos, un mot que l’on peut traduire par: Soins, Attentions, Prévenances); la quatrième, le dernier dimanche d’octobre (Saudades, Regrets angoissés — pour la perte de l’Enfant à Jérusalem).
La Confrérie des Esclaves de Saint-Joseph, érigée à Cós en 1662, se réunissait près de l’autel du Saint, dans l’église abbatiale. Elle y célébrait quatre fêtes: la première, celle de saint Joseph, le 19 mars; la seconde, le 23 janvier (Desposórios, Épousailles de saint Joseph); la troisième, le 29 septembre (Desvelos, un mot que l’on peut traduire par: Soins, Attentions, Prévenances); la quatrième, le dernier dimanche d’octobre (Saudades, Regrets angoissés — pour la perte de l’Enfant à Jérusalem).
On le voit, tout, dans ces dévotions, reflète la gratitude et l’intense piété des moniales de Cós (et de leurs aumôniers cisterciens). Ajoutons qu’elles célébraient aussi, comme tous les religieux et religieuses de la Congrégation d’Alcobaça, la fête du Pèlerinage en Égypte, le premier dimanche dans l’octave de l’Épiphanie [13].
Dona Maria Henriques de Miranda avait, je l’ai dit, été élue pour trois ans, en 1660. Elle fut réélue pour un nouveau triennat en 1669, et elle mit à profit ce deuxième mandat pour reconstruire l’église — une reconstruction menée tambour battant puisqu’elle ne dura que trois ans, ainsi que l’attestent trois inscriptions gravées sur la façade sud [14].
On peut donc affirmer sans excès que la période correspondant aux deux triennats de cette abbesse exceptionnelle constitue l’âge d’or du monastère de Cós, celui où la communauté, sous la conduite d’une femme énergique et bénéficiant, à l’évidence, des faveurs du Ciel, comme en témoignent plusieurs auteurs [15], atteint la plénitude de son développement physique et de son rayonnement spirituel, et cela, grâce à la protection, bien sûr, de saint Benoît et de saint Bernard, mais aussi, et peut-être surtout, grâce à celle, comme on peut pieusement le croire, de saint Joseph.
L’exemple des moniales de Cós fut suivi dans d’autres monastères de la Congrégation. À la fin du siècle, vers 1695, sera édifiée, dans l’enceinte de l’abbaye d’Alcobaça, près du cimetière des moines, une chapelle dédiée au Desterro, heureusement conservée elle aussi, et qui constitue un autre magnifique témoignage de la dévotion des cisterciens portugais à saint Joseph et à la Sainte Famille. Sur la façade, les statues de saint Joseph et de l’ange qui le réveille («Joseph, lève-toi, prends l’enfant et sa mère et fuis en Égypte... », Saint Matthieu, 2, 20), et, à l’intérieur, les panneaux d’azulejos consacrés à divers épisodes de l’exil en Égypte, sont des merveilles d’art. Cette chapelle était autrefois desservie par une confrérie imitée de celle de Cós.
Il en sera de même, quelques années plus tard, à Salzedas, près de Lamego, dans la Beira Alta, où l’on peut encore voir, dans l’ancien jardin de l’abbaye, une chapelle du Desterro, également décorée d’azulejos historiés.
Je signale en passant, comme je l’avais déjà fait en 1986, quand j’ai annoté la seconde édition du Routier du père Cocheril, qu’on voit, au-dessus de la porte d’entrée de ces deux chapelles, le même mystérieux sigle qu’à Cós, $, où il a évidemment le même sens [16]. João Baptista de Castro est donc parfaitement véridique quand il parle, à la page 286 de son livre sur saint Joseph, des diverses confréries fondées dans plusieurs maisons de l’Ordre «à l’imitation de celle de Cós» [17].
Il en sera de même, quelques années plus tard, à Salzedas, près de Lamego, dans la Beira Alta, où l’on peut encore voir, dans l’ancien jardin de l’abbaye, une chapelle du Desterro, également décorée d’azulejos historiés.
Je signale en passant, comme je l’avais déjà fait en 1986, quand j’ai annoté la seconde édition du Routier du père Cocheril, qu’on voit, au-dessus de la porte d’entrée de ces deux chapelles, le même mystérieux sigle qu’à Cós, $, où il a évidemment le même sens [16]. João Baptista de Castro est donc parfaitement véridique quand il parle, à la page 286 de son livre sur saint Joseph, des diverses confréries fondées dans plusieurs maisons de l’Ordre «à l’imitation de celle de Cós» [17].
On pourrait encore signaler le groupe du Desterro figurant sur la façade de l’ancienne abbaye de Santa Maria de Bouro, près de Braga, dans le nord du pays ; l’autel de saint Joseph, dans l’abbatiale de São João de Tarouca, près de Lamego (avec des panneaux d’azulejos historiés sur les murs latéraux) ; et aussi le groupe de la Sainte Famille dans la chapelle de l’ancienne porterie de l’abbaye du Desterro, à Lisbonne...
Mais mon propos n’était pas de présenter ici, en ce moment, une synthèse complète et exhaustive de la dévotion des cisterciens portugais à saint Joseph, et de l’iconographie qui l’exprime, mais seulement d’attirer l’attention sur l’apparition du Saint à Cós en 1661, apparition jamais divulguée jusqu’à ce jour (pas même par le père João Baptista de Castro !) et que frei Manuel de Figueiredo ne mentionne dans son manuscrit, on l’a vu, qu’avec une extrême discrétion, et de révéler ainsi — ce que personne non plus n’avait fait jusqu’à présent, il me semble — le lien discret, sinon secret, qui unit Cós et Cotignac: un lien qui n’est autre que saint Joseph lui-même...
[1] Prononcer comme le mot français « coche ».
[2] Il n’en est pas de même des édifices conventuels, vendus à l’encan et presque entièrement démolis
après la suppression des ordres religieux au Portugal, en 1834.
[3] Fondation Calouste Gulbenkian-Centre Culturel Portugais, Paris, 1978, et Paris, 1986, nouvelle édition, revue, corrigée et annotée par Gérard Leroux, ancien assistant à la faculté des Lettres de l’université de Lisbonne. Le père Cocheril a consacré plusieurs études à la décoration de l’église de Cós ; voir, en particulier, sa Note sur la décoration de l'église de l'abbaye cistercienne de Santa Maria de Cós, Alcobaça,1983 (Alcobaciana ; 4).
[4] Routier..., p. 344.[5] Je signale tout de même que le programme iconographique des quelque 80 caissons ornant la voûte de l’église (nef des fidèles et nef des moniales) a été élaboré, en 1715, par un moine d’Alcobaça nommé frei Luís de... São José. Est-ce un hasard ? De ce religieux, aussi discret que son saint patron, on ne sait pratiquement rien, sinon qu’il était ingénieur et architecte et qu’il travailla dans divers monastères de la Congrégation. De nombreux caissons sont consacrés aux Cœurs blessés (« vulnérés ») de Jésus et de Marie, accompagnés des instruments de la Passion. Cette décoration trahit, à l’évidence, l’influence — alors toute récente — des révélations de sainte Marguerite-Marie Alacoque (1647-1690). Mais on trouve aussi des panneaux consacrés à sainte Lutgarde d’Aywières, sainte Julienne de Mont-Cornillon et sainte Gertrude, qui furent déjà, en leur temps, des propagatrices de ce même culte. Voir, à ce sujet, entre tant d’autres ouvrages, et outre l’étude du père Cocheril déjà signalée, l’opuscule, toujours intéressant, de dom Ursmer BERLIERE, La Dévotion au Sacré-Cœur dans l’Ordre de S. Benoît, Paris: Lethielleux / Desclée de Brouwer, 1923, passim.
[6] À ce nombre il convient d’ajouter celui des pensionnaires (recolhidas et educandas) et des domestiques, aussi important, à certaines époques, que celui de la communauté elle-même.
[7] «Diz a tradiçaõ das Religiozas antigas, que a referem, que principiando-se esta obra sem meios para o augmento, e fim apparecera aos Pedreiros hum Venerando, e desconhecido Velho, que lhe déra boas direçoens para se acabar com menos despeza, e trabalho, e que concorreraõ muitas offertas de materiaes de pessoas que se naõ esperavaõ» (Memorias de varias villas, e terras dos Couttos de Alcobaça, adqueridas na digressão, que principiei em 16 de Fevereiro de 1780, Bibl. nat. de Lisbonne, codex 1479, f. 21-21v).
[8] Passons, bien sûr, sur le terme « esclave », si courant dans le vocabulaire amoureux et dévot de l’époque, et par lequel s’exprime, sous une forme symbolique, hyperbolique même, propre au baroque, un don sans réserve, un indéfectible attachement. Dom Berlière, dans le livre déjà cité, signale qu’il existait, chez les bénédictines anglaises de Montargis, en 1667, une association appelée : « L’esclavage dans les Cœurs sacrés de Jésus e de Marie » (La Dévotion..., p. 87-88). On voit donc que les moniales de Cós, en instituant leur confrérie dès 1662, étaient tout à fait au diapason de leurs sœurs du reste de l’Europe.
[9] On pourrait aussi mentionner l’ouvrage, en deux volumes, du carme déchaussé frei ANTONIO DA EXPECTAÇÃO (1651-1724), Josephina Panegyrica, e Ascetica de Sermoens, e Discursos diversos sobre as admiraveis graças, prodigios, excellencias, e maravilhosos titulos do mayor dos Patriarchas, do Supremo Monarcha, e do Maximo dos Santos o Glorioso Saõ Jozé Pay putativo de Christo, Esposo verdadeiro de Maria Santissima, Lisbonne, 1731. Mais cet ouvrage, qui est essentiellement un recueil de sermons, n’existe pas à la Bibliothèque nationale de Lisbonne, et je n’ai pu le consulter. Sur son auteur, voir Diogo Barbosa MACHADO, Bibliotheca Lusitana, t. I, Lisbonne, 1741, p. 263-264, s. v. «Fr. ANTONIO DA EXPECTACAM (sic)». Autre auteur que l’on peut mentionner : Fernando de Abreu e FARIA, O Servo prudente constituido sôbre a Familia de seu Senhor. Vida, e morte de S. Joseph Esposo da sempre Virgem MARIA, e Pay putativo de Christo com reflexoens moraes de varia doutrina, Lisbonne : Miguel Rodrigues, 1726, [16 f.], 357 p., [1 f.], in-8o; cet ouvrage existe à la Bibl. nat. de Lisbonne (sur l’auteur, voir D. B. MACHADO, Bibl. Lusit., t. II, Lisbonne, 1747, p. 14).
[10] Trois éditions répertoriées : Lisbonne, 1751 ; Lisbonne, 1766 ; Lisbonne, 1771. Voir Inocêncio Francisco da SILVA (= INOCENCIO), Diccionario Bibliographico Portuguez, t. III, Lisbonne, 1859, p. 300-302. Castro publia aussi, en 1760, un ouvrage de dévotion à saint Joseph : O Devoto de S. José, Esposo verdadeiro de Maria Sanctissima e Pae reputado de Jesus Christo, LIV-208 pages, qui n’existe pas non plus à la Bibl. nat. de Lisbonne (INOCENCIO, op. cit., p. 302).
[11] Sur cette école portugaise de spiritualité, si méconnue à l’étranger — et souvent des Portugais eux-mêmes ! —, on peut consulter la belle étude du père Bertrand de Margerie (1923-2003), jésuite, dont j’ai préparé l’édition pour la revue Didaskalia, publication de la faculté de Théologie de l’université catholique de Lisbonne, en 1991 : « Les grands auteurs religieux dans la littérature classique du Portugal », Didaskalia, t. XXI, fasc. 2. Malheureusement, on y cherchera en vain, parmi les auteurs étudiés, notre père João Baptista de Castro...
[12] MACHADO, Bibl. Lusit., t. II, Lisbonne, 1747, p. 596-597, s. v. «IOÃO (sic) BAPTISTA DE CASTRO».[13] Sur cette fête, on peut consulter le bréviaire de la Congrégation d’Alcobaça, édition de Lisbonne, 1744 : Breviarium Sacri Ordinis Cisterciensis ad usum Congregationis D. Bernardi (...) in Lusitaniæ, &Algarbiorum Regnis, p. 218 : «Festum Peregrinationis B. M. Virginis. Hoc Festum celebratur in prima Dominica post Epiphaniam. »Les hymnes de cette fête sont particulièrement belles : Quem terra, pontus, æthera..., O gloriosa Domina..., O quam glorifica luce corruscas...
[14] Sous une statue de saint Bernard, placée près du chevet, sous la corniche : OB HVIVS OPERIS PATROCINIVM 1669 (« Pour le patronage accordé à cette œuvre ») ; à côté d’elle, sous une statue de saint Benoît : OB PATERNITATIS AMOREM 1670 (« Pour son amour paternel ») ; enfin, sur le linteau de la porte d’entrée, sous les armes du royaume, la date : 1671. La paix avec l’Espagne avait finalement été signée en 1668.
[15] Frei Vivardo de Vasconcelos n’est pas le seul à parler d’elle avec admiration. Le religieux augustin frei Agostinho de SANTA MARIA, dans le t. II, publié à Lisbonne en 1707, de son célèbre Santuario Mariano, évoque, p. 203-205 et 208-209, deux miracles attribués à la prière de cette abbesse. L’un d’eux, fort singulier, aurait sauvé, dans une situation critique, son frère Bernardo, qui servait alors comme officier de cavalerie sur la frontière de l’Alentejo.
[16] Je me permets de reproduire (et de compléter) ce que j’écrivais alors : « Nous croyons qu’il faut voir dans ce S enroulé autour un clou (cravo, en portugais), le monogramme d’escravo (S-cravo), c’est-à-dire esclave, nom dont se désignaient, et se désignent encore, les membres, masculins ou féminins, de certaines confréries ou congrégations religieuses. Nous avons d’ailleurs déjà trouvé cet emblème sur le blason ornant la porte de la chapelle du Desterro, à Salzedas, où il est accompagné des lettres : I M I (Jésus, Marie, Joseph), ce qui signifie: Esclaves de la Sainte Famille ; et nous savons que ce sont précisément les membres de cette pieuse association, moines pour la plupart, qui ont fait construire la chapelle en question. Mais nous l’avons également rencontré sur le blason ornant les anciennes chartes d’admission de la Real Irmandade (Confrérie) de Santa Cruz e Passos de Nosso Senhor Jesus Cristo, qui a son siège dans la porterie de l’ancien monastère du Desterro, à Lisbonne » (Routier..., p. 348, note 111). À vrai dire, j’avais alors oublié, par inadvertance, de signaler le blason figurant sur la façade de la chapelle du Desterro, à Alcobaça; je répare aujourd’hui cet oubli. Pour être tout à fait clair, et revenant à Cós, le $ du chœur des moniales signifie donc : Esclave de Saint Joseph. Et le $ de la chapelle du Desterro d’Alcobaça a exactement la même signification.
[17] «... a cuja imitação se tem erecto outras semelhantes nos mais Conventos da Ordem » (loc. cit.).
<< Home